Un scribe s’approche de Jésus et lui demande : « Quel est le premier de tous les commandements ?». C’est son désir de vivre selon la volonté de Dieu qu’il exprime, en reconnaissant que Jésus a titre à indiquer le chemin de la vie d’un pieux israélite.
J’aime ce tableau évangélique. Il arrive quelque chose de semblable quand nous, les chrétiens, les israélites du Nouveau Testament, nous célébrons l’Eucharistie. Nous nous rapprochons de Jésus et nous mettons entre ses mains notre vie : les joies de l’amour et de l’amitié, les aspirations et les projets qui habitent nos cœurs et nos pensées, mais aussi nos peurs et la souffrance et la solitude qui souvent rendent amère notre existence. C’est ce que nous faisons tout au début de la Messe quand nous demandons pardon pour nos péchés, nous supplions le Seigneur d’avoir pitié de nous et du monde entier, quand le prêtre prononce la première oraison qui recueille toutes les prières de l’assemblée. C’est comme si nous disions à Jésus : « C’est toi Seigneur qui as les paroles de la vie éternelle (Jn 6, 68), montre-nous le chemin de la vie !». A travers la proclamation de l’Ecriture le Seigneur nous répond. Aujourd’hui Jésus nous dit que la vie du disciple se déroule à l’intérieur d’une double obéissance au commandement de l’amour : aimer Dieu et aimer son prochain.
Je vous fait remarquer que l’enseignement de Jésus n’est jamais simplement verbal. La parole qu’il délivre à ses disciples est d’abord vécue par lui. Le disciple apprend à travers sa parole et son exemple.
À partir de sa vie nous apprenons ce que signifie aimer Dieu et le prochain et comment faut-il vivre cet amour. C’est ce que Jésus nous fait comprendre lors de sa dernière Cène : Je vous donne un commandement nouveau – disait-il à ses disciples – : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Le secret et la règle de l’amour chrétien est là, dans ce Comme, Comme je vous ai aimés. C’est pourquoi la charité du disciple jaillit de l’Eucharistie, le Sacrement de l’amour du Christ pour son Père, pour l’humanité, pour chacun de nous : le Fils de Dieu m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. (Gal 2, 20). Pour aimer comme lui nous a aimés, il y a deux mouvements à faire, écouter et sortir de soi pour aller à la rencontre des autres.
Jésus a écouté le Père, devenant obéissant à sa volonté : Il est sorti de soi pour venir à notre rencontre, pour nous sauver : Ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes (Phil 2, 6-7).
L’Écriture unit à l’amour de Dieu la crainte. Nous avons un peu oublié cette attitude, pourtant si présente dans la Bible. Elle est essentielle pour équilibrer l’amour envers Dieu: aimer Dieu sans le craindre risque de faire de Dieu l’un de nous, de l’assimiler à nos désirs et à nos besoins. La crainte de Dieu est le respect de son altérité. Cette distance, entre l’homme et Dieu représente l’espace de relation et de communion possible entre le Créateur et la créature.
Et cela s’applique également, à sa manière, aux relations entre nous. La crainte mutuelle, entre les hommes, s’appelle respect. Le respect est la base de toute relation possible et de longue durée.
La pleine réalisation du commandement de Dieu, qui part de l’écoute et se traduit dans l’amour, jusqu’au don total de sa vie, se trouve en Jésus. C’est ainsi que nous la présente la deuxième lecture : fidèle à la mission qui lui a été confiée par le Père, Il est venu dans le monde, Il a accepté de mourir à notre place, Il a donné sa vie pour la réconciliation de l’humanité avec Dieu. Chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, Jésus nous appelle à faire nôtre son amour oblatif et gratuit, à l’assimiler dans nos pensées, dans notre volonté et dans nos actions. Communier signifie de notre part dire : « Amen/oui, Seigneur, je veux être ton disciple, je veux vivre comme tu as vécu ! ». Et de la part de Jésus, cela signifie nous donner son Esprit Saint qui devient principe de lumière et d’action dans la vie de chacun de nous.